1- L’enjeu du Premier Mètre… « Aménagement Numérique des Territoires »
ou « Aménagement des Territoires Numériques »
- Le premier « Aménagement Numérique des Territoires » résulte d’une vision plutôt d’ingénieur (télécoms ou équipement), d’élu et de développeur focalisée sur les opérateurs d’infrastructures, et privilégiant les modalités du développement des réseaux physiques tels que déployés aux siècles derniers [1].
- Aménager numériquement un territoire c’est privilégier l’installation physique des réseaux techniques d’infrastructures dans la seule dimension géo-politique des territoires [2], autour de fonctions collectives existantes, résultant de développement passé, pas forcément pérennes dans une époque numérique.
- Cela contribue à décentrer la création de valeurs, et donc la richesse vers les opérateurs d’infrastructure de réseaux (dont l’enjeu n’est pas de répondre aux enjeux du local, mais de satisfaire - et c’est normal - leur logique de rentabilité sur un plan mondial).
- Le développement local ne peut y trouver pleinement son compte surtout en focalisant sur la fracture « de la dépendance d’accès fixes » ; ce qui réduit l’attention envers les véritables potentiels locaux.
- En termes d’emplois créés nouveaux (filière numérique et surtout autres activités économiques), les initiateurs locaux des délégations de services publics (DSP) sont souvent bien en mal de pouvoir en démontrer le volume, la nature et la qualité [3].
- De plus, le numérique, en tant qu’accès, est de moins en moins un facteur discriminant dans le positionnement et encore moins dans la personnalité d’un territoire [4]. Bien sûr on peut comprendre le désir d’élus ruraux d’avoir accès au réseau technique [5].
- Le second « Aménagement des Territoires Numériques » traduit une meilleure interprétation des finalités de l’internet en réseaux de réseaux, créant de la valeur à partir du potentiel des usagers via des réseaux sociaux ou communautaires humains ou encore dans des éco-systèmes du quotidien ou professionnel avec ou sans nomadisme. L’interface avec les territoires géopolitiques dépend de leur gouvernance et de leur adaptabilité.
- Articulée sur le triptyque : infra - usages - acteurs (dont les citoyens), cette façon de voir revient à considérer l’infrastructure comme articulant et s’appuyant sur des réseaux humains porteurs de contenus ; et non comme un simple objet technique décliné sur un espace topographique en privilégiant les seules fonctions sociales et économiques existantes… Celles-ci sont en plein bouleversement (nomadisme, géolocalisation, objets communiquants…) et devront de plus en plus intégrer le tryptique SoLoMo (Social, Local, Mobile), qui s’appuie moins sur la topographie du territoire que sur le facteur d’empathie [6].
- Cela pourrait signifier donner une certaine priorité à ce que certains nomment « Aménagement de l’Environnement Numérique Personnel » en visant le déploiement des réseaux à partir du logement (et non comme la seule prise de connexion à l’infra) en s’appuyant dès le départ sur les besoins d’usagers [7] .
- C’est une inversion de l’approche traditionnelle conduisant tout un chacun à voir la fracture numérique symbolisée par la non couverture du dernier km… En partant des contenus / besoins / énergies, on part au contraire du premier mètre, celui de l’habitat pour rayonner progressivement autour comme on le fait naturellement dans son quartier, son village…
2- Qu’est-ce qu’un territoire numérique ?
Un lieu réel et virtuel, conforté par les pratiques de l’internet mobile, par les réseaux sociaux ou communautaires, avec des contours (échelle, frontière) plus ou moins pérennes et non contigus, véhiculant des contenus mouvants au gré des opportunités de communautés, d’affaires ou d’éco-systèmes, dessinant des espaces d’actions, de création de valeurs et de collaboration qui n’ont pas toujours à voir avec l’échelle géo-politique servant souvent de référence actuellement.
- Ce sont parfaitement des territoires au sens où en parle Marc Augé : « Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu » [8].
- Dans ce contexte pourra sans doute être envisagée ce que disait Gérald Pavy sur la coopération « Ce qui est rare à présent, ce n’est pas le capital, l’accès au marché, les compétences ou les technologies. Ce qui ne peut s’acheter, ce sont les relations entre ces facteurs, la façon de coopérer » [9].
- La question des nouvelles pratiques de travail interpelle aussi le regard du géographe sur les territoires numériques : Télétravail, travail nomade : le territoire et les territorialités face aux nouvelles flexibilités spatio-temporelles du travail et de la production par Bruno Moriset et aussi Télétravail : Les enjeux de la déspatialisation pour le management humain par Laurent Taskin.
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